Quelques conditions élémentaires pour se prendre en charge à domicile :

 

Jusque dans les années 80, les hémophiles français ont pu être soignés avec des produits issus du Don du Sang.

Rappelons brièvement :

-          d'abord en recevant du sang par "transfert de bras à bras" (la véritable transfusion), du "donneur" à l'hémophile, lors des phases hémorragiques graves, mettant en cause le pronostic vital (je mets "donneur" entre guillemets puisque, jusque dans les années 55, ce "donneur" recevait une indemnité, directement de la part du receveur).

 

-          En France, dès les années 45, on pratique plus couramment la transfusion de sang (progrès obligés de la guerre). Il y a des médecins-transfuseurs qui se déplacent à l'hôpital ou en clinique. Ce sont souvent des médecins de Laboratoires privés, avec leur propre réseau de "donneurs". La Transfusion Sanguine est ensuite organisée dans les années 50/60, progressivement selon les régions. Un Centre National de Transfusion Sanguine – CNTS – se charge de la recherche et de la fabrication de produits issus du sang, des fractions du sang.

 

-           Au fur et à mesure de l'évolution des connaissances scientifiques, le sang est séparé en globules rouges et plasma pour répondre aux besoins spécifiques…  puis on fractionne le plasma lui-même, on le lyophilise… (les protéines qui manquent aux hémophiles pour qu'un caillot solide se forme en cas d'hémorragie se trouvent dans le plasma).  Ainsi, l'hémophile peut recevoir des produits de plus en plus élaborés, de plus en plus proches de la protéine nécessaire. Cependant le "conditionnement" et la conservation de ces produits sont tels que leur utilisation à domicile n'est pas couramment permise (gros flaconnages et conservation en chambre froide, certains au congélateur).

 

-          A partir des années 65, des Laboratoires étrangers élaborent des produits de plus en plus concentrés, purifiés, qui peuvent être injectés à la seringue. Les hémophiles anglais, allemands, suisses, italiens, suédois, norvégiens… les utilisent et commencent à les employer en traitement à domicile, en prophylaxie… Ces produits sont, le plus souvent fabriqués à partir de dons de plasma. Les prélèvements de ces dons se font quelquefois dans des conditions douteuses… ou du moins on nous le présente ainsi pour freiner notre demande, pour "préserver" le monopole de la Transfusion Sanguine française…  En effet l'AFH, ses responsables de cette époque se battent pour bénéficier de ces produits concentrés… condition de base du traitement à domicile. Ce traitement est aussi une des conditions pour stopper rapidement une hémorragie et éviter des séquelles invalidantes, souvent irréversibles. Bien sûr, il ne peut être permis à l'hémophile ou à sa famille qu'après une information, une formation… une éducation… ce sera notre combat de 1968 à 1973… obtenir de la Transfusion qu'elle fabrique ces produits concentrés, injectables à la seringue pour que l'hémophile puisse recevoir très rapidement l'injection, puisse se pratiquer lui-même cette injection (Le CNTS en fabrique déjà pour les hémophiles qui manquent de Facteur IX – hémophiles B – soit pour 15% des hémophiles français).

 

-          Il faut comprendre dans quel dilemme se trouvaient les responsables de l'AFH, dans les années 65/70 :

a)      D'un côté, une évidence médicale et sociale : pour vivre au sein de sa famille, pour avoir l'espoir de ne pas devenir un handicapé, l'injection du produit capable d'arrêter une hémorragie naissante devait être pratiquée dans les instants qui suivaient la perception du saignement, le plus souvent interne, invisible et douloureux.

b)      De l'autre côté : des produits concentrés disponibles dans de nombreux pays, permettant une prise en charge facile et, en France, un monopole qui refusait cette évolution pour des motifs sur lesquels nous pourrions revenir très longuement…

 

Il suffit de reprendre les revues "L'Hémophile" pour suivre pas à pas le long combat de l'AFH contre l'inertie idéologique du CNTS et de quelques "barons" de la Transfusion.

Il faudra ce drame des années 80 dont est responsable cette organisation féodale pour éclairer nos responsables de la Santé…  et faire changer les comportements.

 

On peut également avoir un aperçu rapide de l'évolution en hémophilie dans le diaporama des 50 ans de l'Association (avec lequel je vais rapidement tenter un lien…). Cette bataille pour l'amélioration de la vie de l'hémophile sera malheureusement endeuillée gravement à cause de l'immoralité, de la cupidité, peut-être de l'orgueil, en tous cas de l'absence de remise en question de quelques responsables du Centre National de Transfusion.

 

Plusieurs études en Socio-Anthropologie retracent ce cheminement et permettent une approche des particularités de cette petite population (2500 malades sévères), atteinte d'une maladie génétique grave (1), population longtemps soumise à une dépendance trop étroite avec le sang et avec le Corps Médical… seule condition pour survivre….  l'étude de Danièle Carricaburu sur "Les hommes hémophiles face à la médecine" fait partie de ces travaux (2).

 

(1)    En 1945-50, les hémophiles dépassaient rarement l'adolescence ou, alors, étaient grabataires et pratiquement illettrés.

Dans les années 50-70, la plupart étaient condamnés à vivre une partie de leurs études en internat médical spécialisé, pour espérer une place dans la société.

(2)    Une liste des travaux est la fin de l'étude à laquelle vous pouvez accéder en cliquant sur le titre.

 

Certaines parties du  texte pourront faire l'objet de précisions…

des compléments d'information seront apportés…

MAJ – 31 juillet 2008